Le billard est-il misogyne ?
C'est la question qu'on pourrait se poser au vu des statistiques nationales : 6 % de femmes en 2016, même si ce chiffre va en augmentant depuis quelques années (5 % en 2013).
La 1re réponse qui vient à l'esprit des joueurs, c'est que notre sport est trop difficile… Réponse typiquement masculine qui sous-entend que les femmes sont incompétentes. Il semble pourtant évident que le billard, qui ne demande pas de développement particulier de la taille ou de la masse musculaire, fait partie des sports où hommes et femmes sont a priori à égalité. On peut constater d'autre part que de nombreux sports, réputés "virils" comme le rugby ou la boxe française, montrent des statistiques de féminisation très supérieures aux nôtres.
Et nous connaissons tous les exploits des femmes au volley, au handball, au tennis ou en athlétisme. Mais il y a des réfractaires. Le président du club d'échecs qui jouxte notre salle de billard m'a expliqué que les femmes étaient très désavantagées de part l'infériorité de leur "équipement intellectuel". Ce qui nous amène à prendre conscience que…
La véritable raison est sociologique.
Notre vénéré Pierre de Coubertin écrivait, en 1901 : "Le rôle de la femme reste ce qu'il a toujours été : elle est avant tout la compagne de l'homme, la future mère de famille, et doit être élevée en vue de cet avenir immuable" et, en 1912 : Les jeux Olympiques constituent "l'exaltation solennelle et périodique de l'athlétisme mâle avec [...] l'applaudissement féminin pour récompense" reflétant ainsi, à l'instar de notre modèle grec, la misogynie de son époque. Misogynie toujours d'actualité (je cite Bernard Lacombe) : "Je ne discute pas avec les femmes de football. Je le dis, c'est mon caractère, c'est comme ça. Qu'elles s'occupent de leurs casseroles et puis voilà, ça ira beaucoup mieux". Avant 1900, les femmes étaient interdites dans le monde du sport, longtemps cantonnées, et encore maintenant, à un rôle décoratif, style pom-pom girls ou présentatrices dénudées des matchs de boxe. Ce n'est qu'au XXe siècle que les femmes ont investi les différentes disciplines sportives, lentement mais sûrement, mais sont encore aujourd'hui largement minoritaires dans les sports de haut niveau et dans leurs instances. Ce n'est donc pas le billard, mais le sport en général qui est (je cite Chantal Jouanno) "un domaine encore plus misogyne que la politique".
Que peut-on faire pour améliorer la fréquentation féminine de nos salles de billard ?
- Faire des "stages découverte" dans les écoles primaires et surtout organiser des opérations de communication dans les médias ou sur Internet. C'est par ce biais que les femmes que j'ai interviewées sont venues au billard. Nous rions en voyant des images de femmes voilées faire de l'athlétisme en Iran, mais nous réalisons moins qu'il est impossible à une femme d’entrer seule dans une salle de billard sans être immédiatement suspectée par les "mâles" présents de moralité douteuse. Les femmes viennent jouer en groupe ou ne viennent pas. Avons-nous pris conscience que jamais, dans aucun sport, nous ne voyons opposer un homme à une femme ? Le sport est même le dernier bastion des activités humaines où la mixité n'est pas la règle.
- Une fois que les femmes sont entrées dans les clubs, encore faut-il qu'elles y restent. Il est indispensable que les locaux soient accueillants et clairs, que les toilettes soient accessibles et propres, que les joueurs présents soient simplement polis.
Nous avons du pain sur la planche. La féminisation du billard sous-entend une révolution intellectuelle des mentalités masculines et ne pourra se réaliser que graduellement.
Michel Dumas, Commission médicale.
Source : Article FFB (ffbillard.com) du 02/05/2016
Statistiques licences FFB : ICI
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